Figure libre 7

Il en rêve encore les yeux mi-clos de cette femme aux seins maternels et aux fesses callipyges. Ce matin, il s’est levé de très bonne heure juste après le premier appel du muezzin. Des ablutions rapides un thé vert très sucré quelques galettes de blés gris, il met les choses en ordre sur l’autel de sa vie. Baise la photo de sa mère relit une dernière fois la sourate de la vache et rêve en silence aux vierges promises les yeux tournés vers l’Est
Prendre l’escalier étroit, se baisser sous la porte basse et sortir dans le matin naissant. Il longe les murs des ruelles étroites de la vielle médina sort par la porte du Merzen déjà inondée de soleil. Le grand taxi l’attend Mercedes déglinguée d’avoir trop roulée sur des pistes défoncées. Il a les yeux ailleurs il voit sans regarder sans parler sans entendre, il a tout appris par cœur a regardé cent fois avec ses frères la vidéo du passage au check point puis la route asphaltée cernée de barbelée les collines de Jérusalem la médina qui décent en dédale coloré vers l’esplanade du rocher …

Éternel et divin … Qui sème le désir récolte l’oppression …
Il est au-dessus du mur le regard fier de celui qui n’a rien, que son cœur à offrir…
Éternel et divin … La colère de ceux qui non plus rien
Ses cheveux d’ange brillent dans le ciel bleu
Éternel et divin … Ceux qui ne croient plus au lendemain

Sa poitrine résonne très fort des battements de ce cœur qui ne bat que pour un nom, une terre, il respire avec difficulté la poitrine scindée d’explosif, un mélange de glycérines et de bille d’acier. Il est au bord du vide, il entend son sang qui comprime ses tempes, il prononce le mot clé « Allah Akbar » avant de se jeter sur la foule …
L’explosion est ténue presque étouffée, son corps frêle a absorbé la violence du choc avant de restituer sa force et de tout disloquer, ses poumons dans un dernier souffle ont craché ce sang rouge, il s’est répandu horizontal à la vitesse de la lumière éclaboussant la foule de sa haine éternelle … Un vol de colombes a traversé le ciel bleu.
Après une seconde de silence une plainte s’éleva de la foule à genoux, collective et tenue … Puis des hurlements, des regards implorants, des larmes de sang.
Des hommes se relevèrent hagards et hiératiques, statues momifiées de douleur et de haine … Et cette odeur de chairs brûlées qui emplie tout sur la place sacrée.
Puis il y eu la première rafale d’arme automatique et l’enfant mort au pied des oliviers caché à l’ombre de son père dans le creux du muret, un filet de sang bleu au coin des lèvres …
Ce sang, cette terre, cette poussière serait-ce là le sens de la douleur du monde ?